mardi 26 septembre 2017

Le contrôle au faciès pour remplir les Centres de Rétention ?


Prochain Cercle de silence de Strasbourg
  samedi 30 septembre 2017
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Voici quelques nouvelles concernant les contrôles d'identité. Il sont réglementés, ce qui est normal dans un état de droit. La police ne peut contrôler sans raison l'identité de quelqu'un. Cependant, l'objectif de la chasse aux étrangers motive fortement l'État, qui adopte diverses lois pour permettre des contrôles à volonté, ou détourne les lois existantes pour le faire. La « lutte contre le terrorisme » est un prétexte royal pour cela. Voici un exemple du récent passé, pérennisé, et deux exemples de l'actualité.

La loi antiterroriste « Perben » de 2006 autorisait, dans son article 3, les contrôles d'identité dans les trains internationaux et certaines gares « en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi », bref, demander les papiers à volonté, dans le but de demander les papiers (voir ici l'article 78-2 du code de procédure pénale modifié par cette loi). Cet article, avec deux autres, donnant des pouvoirs exceptionnels à la police, était provisoire :
Art. 32 : « Les dispositions des articles 3, 6 et 9 sont applicables jusqu'au 31 décembre 2008. Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l'application de la présente loi. »

Et alors ? De rapport il n'y a jamais eu. Lutter contre le terrorisme est chose sérieuse, évaluer les mesures de lutte, accessoire. Et demander au Gouvernement de respecter sa loi antiterroriste est facultatif. Un député a cependant rédigé un rapport minimaliste, se félicitant au sujet de l'article 3 que « les contrôles réalisés […] ont permis de nombreuses interpellations (recensées), notamment dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine. » Tiens, cette loi d'exception viserait-elle autre chose que l'antiterrorisme ?
Prolonger les pouvoirs du gouvernement est fondamental en revanche. En 2008, une loi faite rien que pour ça prolonge le provisoire jusque 2012. L'opposition socialiste proteste. En 2012, arrivée au pouvoir, elle vote sa première loi antiterroriste, qui prolonge le provisoire jusqu'en 2015. Et en novembre 2014 sa deuxième loi antiterroriste comprend un amendement du gouvernement rendant simplement les mesures définitives. Le gouvernement invoquait la « logique d'adaptation permanente de la loi française à la menace terroriste » et le fait que ces dispositions y ont « fait preuve de leur pertinence opérationnelle et de leur efficacité » (en l'absence de tout rapport gouvernemental à leur sujet). (Merci à Pierre Januel, ancien assistant parlementaire, d'avoir signalé cette saga législative sur twitter @pjanuel.)

Ce point est sans rapport avec le terrorisme mais montre comment le détournement de la loi est ordinaire. La loi permet au parquet d'ordonner des contrôles d'identité dans des lieux et à des moments précis, pour rechercher des auteurs d'infractions pénales. Ces contrôles sont des nasses à étrangers en situation irrégulière —ce qui n'est pas une infraction pénale. Un policier a dénoncé récemment le caractère explicite de ce détournement de procédure, avec des « objectifs (chiffrés) d'étrangers en situation irrégulière conduits au poste », un ciblage, à un moment, des femmes en situation irrégulière pour « tenter de remplir [le centre de rétention pour femmes de Paris, sous-rempli et menacé de fermeture] jusqu'à ce qu'il déborde » (citation d'un courrier électronique de la hiérarchie). Ces consignes font que les policiers contrôlent les gens notamment « en raison de la couleur de leur peau ».

3° Dans ce cadre, que fait le projet de loi antiterroriste débattu cette semaine à l'Assemblée, en procédure d'urgence ? Il renforce l'article 3 de la loi de 2006, élargissant les périmètres de contrôle d'identité aux frontières, aux abords des gares, ports et aéroports internationaux, et à un rayon de 20km des points de passage frontaliers. L'article 10 dispose que pourra être vérifié « le respect, par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d’éléments objectifs extérieurs, des obligations de détention [de documents d'identité et de séjour] ». Bref, le contrôle au faciès des papiers, dans le but de contrôler les papiers. Et possiblement de remplir les Centres de Rétention, au passage.

L'antiterrorisme est chose sérieuse. Des contrôles d'identité peuvent être utiles. Mais sans aucun rapport d'évaluation sur le sujet malgré la loi de 2006 qui le requiert, on généralise simplement le contrôle au faciès à volonté. Officiellement, bien sûr, il reste interdit : « liberté, égalité, fraternité ».

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