lundi 20 février 2017

28/02/2007-28/02/2017 Elanchelvan Rajendram


Prochain Cercle de silence de Strasbourg
mardi 28 février 2017
de 18 à 19h place Kléber

Rejoignez-nous, même pour quelques instants



28 février 2007 – 28 février 2017

Il y a dix ans était assassiné au Sri Lanka Elanchelvan Rajendram, expulsé de France dix-huit mois auparavant, après le rejet de sa demande d'asile.

FAIRE-PART
« Cher fils Selvan,
Tu ne dois à aucun prix rentrer au pays.
On a déjà perdu ton grand-frère et ton petit frère.
Toi seul nous reste et on ne veut pas te perdre.
Reste là où tu te trouves en sécurité.
Ton cher papa, K. Rajendram »*


Paskaran PALASUNTARAM
et son épouse Chandraveni ULAGANATHAN
David BALATHAS
ont la profonde douleur de vous faire part
du décès de leur cousin et ami

ELANCHELVAN RAJENDRAM
âgé de 30 ans

assassiné par des militaires de l’armée sri-lankaise
le mercredi 28 février 2007 à 6 heures du matin


*Extrait d’une lettre de son père écrite en juin 2003 et « rédigée en termes convenus » selon les termes de la dernière décision de la Commission des Recours des Réfugiés

Elanchelvan Rajendram était Tamoul du Sri Lanka ; un récit de son histoire par ses proches est donné plus bas. Ce faire-part fut envoyé aux institutions ayant mené à cette expulsion, l'ayant jugée légale, c'est-à-dire ne mettant pas la vie ou la sécurité d'E. Rajendram en danger, ou l'ayant exécutée :
l’OFPRA, qui accorde ou refuse le statut de réfugié,
la Commission des Recours des Réfugiés (devenue Cour Nationale du Droit d’Asile), qui statue en deuxième instance en cas de refus de l'OFPRA,
la préfecture du Bas-Rhin,
le Tribunal administratif de Strasbourg,
la Cour d’appel de Nancy,
la Police Aux Frontières de Strasbourg,
l'ANAEM de Strasbourg (devenue Office Français de l’Immigration et de l’Intégration).


Il est rare que le devenir d'un étranger expulsé dans un pays où il est en danger soit connu, comme ça a été le cas pour Elanchelvan Rajendram. Son expulsion puis assassinat n'étaient pas un drame fortuit. Les expulsions dangereuses ou tragiques sont méconnues mais habituelles. Elle sont le fruit d'un repli et d'une méfiance irrationnelle qui se sont installés dans nos lois et nos esprits : refus incompréhensible de statut de réfugié par l'OFPRA, procédures bâclées à la Cour Nationale du Droit d'Asile (pas certaines : toutes. La Cour fonctionne ainsi, par les contraintes qui lui sont données), expulsions vers des pays en guerre, expulsions de personnes gravement malades etc. La France reste par exemple au 23ème rang sur 28 dans l'UE, pour son taux d'accord du statut de réfugié (en 1re instance, chiffres 2015 de la Commission Européenne), malgré une progression récente de ce taux. Et je ne parle même pas des centaines de milliers de personnes qu'on pousse à risquer leur vie en Méditerranée par la fermeture de nos frontières.
Ce ne sont pas des chiffres. Ce sont des êtres humains et, à travers eux, notre propre humanité.
Notre pays, riche et en paix, est devenu rabougri et criminel. Il ne tient qu'à nous que ça change.
C'est ce que les participants du cercle de silence rappellent, par leur silence, tous les mois.

Le faire-part était accompagné de ce récit.
Arrivé en France le 14 juin 2002 pour demander l’asile, Elanchelvan Rajendram a été débouté de ses demandes successives de protection, en dépit des traces de tortures marquant son corps, ainsi que des preuves relatives à la disparition de ses frères et à sa propre détention. Il est rentré au Sri Lanka le 30 août 2005 suite à un Arrêté de Reconduite à la Frontière.
À son arrivée à Colombo, il a été détenu et interrogé par les autorités du Sri Lanka durant six heures. Il a été relâché grâce à un versement d’argent remis par son oncle. Il a retrouvé ses parents et décidé de reprendre le cours de ses études universitaires.
Le 25 octobre 2006 il a épousé une institutrice du village de Chavakatha-chcheri. Ils ont vécu ensemble dans le même village. Ils ont eu une petite fille prénommée Khotai qui a trois mois aujourd'hui [c'est-à-dire lors de ce qui suit].
Le 28 février 2007, à l’aube, Elanchelvan, vêtu d’un simple tissu, sortait des toilettes de sa cour. En chemin pour rentrer dans sa maison, il a été abattu par des militaires. Seize balles ont été retrouvées sur les lieux ; cinq d’entre elles étaient logées dans son corps, deux dans une jambe et trois dans la poitrine. Une sixième balle tirée dans son dos l’a traversé de part en part et a perforé son cœur et ses poumons. Elanchelvan a eu le temps d’appeler au secours. Sa femme a accouru, a posé sa tête sur ses genoux. Il a hoqueté deux fois et il a expiré. Autour se tenaient six militaires qui ont déclaré sarcastiquement que ce n’étaient pas eux qui venaient de le tuer (ils n’avaient pas eu le temps de déposer une arme auprès de lui selon le procédé habituel leur permettant de déclarer qu’il s’agirait d’un combattant du LTTE [les Tigres Tamouls, mouvement de guérilla contre le gouvernement]). La police est arrivée sur les lieux et le corps a été transporté à l’hôpital. Quand ses parents ont demandé la restitution du corps, ils n’ont pu l’obtenir qu’après avoir signé un document attestant que leur fils était un combattant du LTTE. Ils l’ont signé. Ils n’avaient plus rien à perdre : avec Elanchelvan, ils venaient de perdre leur troisième et dernier fils.

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