samedi 26 avril 2014

« Toutefois et dès lors » : réponses de l'OFPRA à des demandes d'asile. Un texte de Pascale Adam.

Le prochain Cercle de Silence de Strasbourg aura lieu mercredi 30 avril 2014 de 18h à 19h place Kléber, pour protester silencieusement contre la criminalisation des étrangers démunis de titre de séjour  

Le prochain cercle de silence de Strasbourg aura lieu mercredi 30 avril de 18h à 19h place Kléber. Nous y « fêterons » le sixième anniversaire du cercle de silence de Strasbourg, dont la raison d'être est malheureusement toujours autant d'actualité.

L'association CASAS, elle, fête ses trente ans cette année. Si vous désirez vous informer sur la vie de l'association, vous pouvez venir à son assemblée générale : vendredi 23 mai 2014 à 18h, paroisse protestante saint Matthieu, 97 bd. D'Anvers, Strasbourg.

À cette occasion, nous relayons un texte frappant de la directrice de CASAS, paru dans le dernier Voix de traverses n°34, le bulletin d'information de CASAS. En italique figurent des extraits de récits de demandeurs d'asile et en gras, des extraits de la réponse de l'OFPRA.

Toutefois et dès lors

Ils m’ont mis dans le coffre de leur voiture et on a roulé longtemps. Ils m’ont fait descendre sous la menace d’une arme, on était au milieu de la forêt, ils m’ont mis un sac sur la tête et ils ont fait comme s’ils allaient me descendre.
Toutefois l’intéressé n’a à aucun moment sollicité la protection des autorités de son pays ou internationales, et n’a apporté aucun élément concret et convaincant susceptible d’établir qu’il ne puisse bénéficier d’une telle protection.

Quand c’est arrivé, j’étais parti depuis plusieurs jours à Kinshasa pour aider mon cousin dans son nouveau magasin ; c’est pour ça que je n’ai pas été arrêté comme les autres.
Toutefois les déclarations orales de l’intéressé, entendu à l’OFPRA en français le 12 juin 2013, se sont avérées peu consistantes et peu empreintes d’expérience vécue sur son engagement politique. De plus son propos n’a pas été précis, personnalisé et crédible sur l’arrestation de son père.

Ma mère les a suppliés d’épargner ma sœur mais ils l’ont emmenée dans la chambre du fond.
Toutefois, à l’issue de l’instruction, les déclarations de l’intéressée, entendue à l’Office le 15 octobre 2013, ne sont pas apparues suffisamment fournies, personnalisées et crédibles pour convaincre l’Office de l’existence d’une vendetta dirigée contre sa famille. Dès lors l’ensemble de ses déclarations écrites et orales ne permet ni de tenir pour établie la réalité des faits allégués, ni de conclure à l’existence d’une menace grave à son encontre en cas de retour dans son pays. 

Après l’agression, je suis allé au Poste de Police de mon quartier mais on s’est moqué de moi et on a refusé d’enregistrer ma plainte.
Toutefois vos déclarations se sont révélées relativement convenues au sujet de vos vaines tentatives pour porter plainte et il ressort de vos propos que vous n’avez entrepris aucune démarche pour dénoncer le comportement des agents qui auraient refusé d’enregistrer votre plainte.

Vers 6 heures du matin, le jour n’était pas encore levé, on a frappé très fort à la porte d’entrée. Quand ma mère a ouvert, du haut de l’escalier, j’ai vu trois hommes masqués la bousculer pour forcer le passage.
Toutefois, si les déclarations orales de l’intéressée sont apparues spontanées sur l’irruption d’inconnus masqués à son domicile en novembre 2013, l’Office observe que cet événement n’avait pas été établi ni par l’Office ni par la Cour nationale du droit d’asile dans leurs décisions concernant la demande de son frère. Dès lors, l’Office ne peut conclure au bien-fondé de sa demande.

Et si l'on rêvait un peu ... d'un monde où les demandeurs de protection pourraient dire « toutefois» et « dès lors » à leur tour: « rejet de l'Office dénué de tout fondement, rédigé à la va-vite, de manière stéréotypée et en des termes  relativement convenus, manque de crédibilité et de spontanéité des motifs avancés pour écarter mon dossier, entretien bâclé à l'Office, interprète sollicité dans une langue que je ne maîtrise pas bien ainsi que j'en avais informé l'OFPRA, questionnement incohérent, questions lapidaires, formulées sans tact, connaissance superficielle du contexte, compte-rendu d'entretien truffé d'erreurs et de fautes de syntaxe, ce qui fait légitimement douter de son authenticité, quant aux éléments avancés par l'Office pour rejeter ma demande, ils ne revêtent manifestement pas le caractère de faits nouveaux … »

Mais non.

Alors, sans se décourager et avec cette petite rage/petite flamme familière au cœur, reprenons patiemment nos plumes pour eux, et essayons de dire au moins quelque chose de cette « procédure équitable de détermination de la qualité de réfugié » qui s'avère plutôt être un simulacre d'examen de dossier, de réception et d'écoute pour un certain nombre de personnes que nous accueillons : « Monsieur le Président de la Cour Nationale du Droit d'Asile, j'ai été entendu à l'OFPRA pendant 45 minutes, temps durant lequel il m'a été posé 72 questions de fond  par le biais d'un interprète après la vérification de mon état civil et des données de mon formulaire. L'OFPRA dans sa lettre de rejet considère mes réponses comme étant « hésitantes et peu circonstanciées ». Toutefois il m'était difficile d'expliquer les choses en détail, dès lors qu’on me coupait sans cesse la parole pour passer à la question suivante … » « Monsieur le Président, … »

(Toute ressemblance avec des personnes et des situations existantes n'aurait évidemment rien de fortuit.)

Pascale Adam-Guarino, directrice de CASAS
(extrait de Voix de Traverses n° 34, bulletin d’information de CASAS)


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